
Le Monde du 26 mai 2000 :
Une pétition lancée par
le professeur Mattei s'oppose aux brevets sur les gènes humains
Parmi les signataires, deux
Prix Nobel de médecine, Me Varaut, Jacques Testart et Boris
Cyrulnik Jean-François Mattei, député européen et député (DL), et Wolfgang Wodarg,
député (SPD) allemand, ont lancé une pétition s'opposant à l'attribution de brevets
sur le génome humain. Ce texte a recueilli les signatures des Prix Nobel de médecine
Jean Dausset et François Jacob, de l'avocat Jean-Marc Varaut, de l'ancien ministre de la
justice Jean Foyer, du biologiste Jacques Testart et
l'ethnologue Boris Cyrulnik.
LANCÉE il y a un mois par
le professeur Jean-François Mattei, spécialiste de génétique et député (DL) des
Bouches-du-Rhône, ainsi que par le docteur Wolfgang Wodarg, député allemand (SPD), la
pétition visant à s'opposer à une directive européenne permettant une appropriation
directe des séquences du patrimoine héréditaire (génome) de l'espèce humaine réunit
aujourd'hui de multiples signatures.
Au bas de ce texte,
rédigé par ces deux médecins qui sont aussi délégués auprès de l'assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe, figurent les signatures de personnalités aussi
différentes que les professeurs Jean Dausset et François Jacob, tous deux Prix Nobel de
médecine, l'avocat Jean-Marc Varaut, l'ancien ministre de la justice Jean Foyer, le
président de la Croix-Rouge, Marc Gentilini, le biologiste Jacques Testart, l'ethnologue
Boris Cyrulnik, le metteur en scène Marcel Maréchal ou les professeurs François Gros et
Françoise Héritier-Augé.
De nombreuses associations
et institutions sont également présentes, parmi lesquelles la Confédération paysanne
de José Bové, les Mutuelles de France, l'Ordre national des médecins, la Ligue des
droits de l'homme, la Croix-Rouge et 60 millions de consommateurs/UFC-Que choisir. « Une
telle hétérogénéité ne doit en aucune manière surprendre, explique le professeur
Mattei. Nous réunissons ici des gens qui sont certes d'horizons très différents mais
qui ont en commun une même conception de l'homme et de l'humanisme. Tous considèrent que
l'homme, y compris dans sa plus petite partie qu'est le gène, ne saurait faire l'objet de
commerce, que ce commerce soit direct ou indirect. »
UN MORATOIRE IMMÉDIAT
L'objectif de cette pétition est d'obtenir
un « moratoire immédiat » concernant la transposition, dans les pays de l'Union, d'une
directive européenne concernant les conditions de brevetabilité des fragments du génome
humain.
Cette directive dispose en
substance qu'un gène humain est brevetable s'il est séparé du corps humain. « Or, pour
qu'il puisse être identifié, ce gène doit, précisément, être isolé du corps dont il
provient, souligne le professeur Mattei. En fait, après avoir proclamé les grands
principes éthiques, ce texte permet par la petite porte de les bafouer. Une telle
présentation est habile mais artificielle et contradictoire. Cette directive est à
contre-courant des textes internationaux de bioéthique signés par la France. Ceux qui
l'ont rédigée ont cédé aux pressions de l'Office européen des brevets, qui a déjà
décidé qu'un élément naturel isolé de son milieu devenait brevetable. Si elle devait
être appliquée en l'état, elle conduirait inexorablement à la confiscation du savoir
génétique.
Considérant que la
directive est « mal rédigée » et qu'elle comprend « des alinéas contradictoires »,
les signataires demandent la renégociation de ce texte qui, selon eux, devrait permettre
de breveter non pas le vivant lui-même mais la seule technologie qui en résulte.
Les auteurs de cette
pétition espèrent que l'adoption d'un moratoire permettra d'ouvrir largement, à
l'échelon européen, un débat public sur une question qui « met en jeu l'avenir de tout
homme ». La liste des signatures sera close en septembre. Elle sera alors transmise au
président de la République et au premier ministre, à un moment où la France présidera
l'Union européenne.
ENJEUX FINANCIERS
Cette
initiative survient aussi à un moment où les entreprises internationales
de séquençage du génome humain arrivent au terme de leur première étape ;
à un moment aussi où les engagements financiers dans ce domaine n'ont
jamais été aussi grands, les multinationales pharmaceutiques espérant
trouver dans l'analyse de la structure du patrimoine héréditaire de
l'espèce humaine de quoi forger de nouveaux et
puissants outils médicaux de diagnostic et de traitement.
Jean-Yves Nau
Le Monde daté du vendredi
26 mai 2000
Merci à John.La-Gambille(at)wanadoo.fr et à toutes les
petites fourmis (non transgéniques) pour la collecte des infos. - Génétique :
puissance et illusion
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